L'ÉTAT DU FRANCAIS DES AFFAIRES DANS LA FRANCOPHONIE - ACTION TERMINOLOGIQUE.

En paraphrasant le philosophe français CONDILLAC qui disait  "Une science est d’abord une langue bien faite", nous pensons que "le management (prononcé à la française) est d’abord une langue bien faite".

DEPUIS QUAND EN A-T-ON CONSCIENCE ?

Dégageons quelques étapes dans cette prise de conscience :

Un film : celui que vous venez de voir, tourné en 1970.

Jean-Marcel LAUGINIE, Président de I’APFA, remercie toutes les personnes qui ont bien voulu assister à la présentation du film "Le français recherché", qui a le mérite de retracer les enjeux du français au Québec.

Un article : celui de Pierre AGRON paru dans "L’actualité terminologique" de décembre 1971 - n° 10 (Bulletin mensuel du Centre de terminologie, Bureau des Traductions, Secrétariat d’État, Ottawa) dont voici un extrait :

"Il y a un secteur du public français qui ne semble guère en proie à des hésitations ni arrêté par des scrupules en matière de langue. Que de mots et expressions pris tels quels dans l’anglais viennent choquer l'œil et traumatiser l’esprit à la lecture de revues de France. En voici en vrac un échantillon relevé dans une revue consacrée aux affaires :
check-list, leasing, brain-trust, know-how, management, gap, goodwill, discounted, cash flow, feed-back, come back, job description, design, management development, attaché-case, box office, flowerware, prospect, happy end, (esprit du) business."

La première commission de terminologie : c’est celle du ministère de I’Économie et des Finances, créée en 1970 et dans laquelle siégeaient François PERROUX et Jean FOURASTIÉ. Elle a donné naissance, entre autres, au néologisme MERCATIQUE (de mercatus, le marché) qui est plus qu’un simple équivalent du marketing américain : c’est la conception française de l’action commerciale qui peut s’exprimer ainsi : "toute action commerciale doit partir des besoins pour s’assurer en permanence de leur satisfaction."

OÙ EN SOMMES-NOUS ?

I - LA CRÉATION TERMINOLOGIQUE

1. Les commissions de terminologie.

La parole est donnée à Loïc DEPECKER, Coordonnateur des commissions ministérielles de terminologie au Commissariat général de la langue française.

Il évoque l’originalité de la démarche de l'APFA, seule association au monde chargée de promouvoir une langue des affaires (le français), alors que l’opinion courante semble avoir aujourd’hui admis l’anglais. Il est évident, et sans doute les années qui viennent le montreront encore plus, qu’il est indispensable, pour se comprendre, d’analyser les termes anglais de ce domaine, et donc par la force des choses de travailler sa langue, celle-ci pouvant être le français, le portugais ou toute autre. C’est en partie sur cette constatation simple (mais importante) qu’est fondée la politique terminologique de la France, menée sous l’impulsion du Commissariat général de la langue française qui coordonne les commissions ministérielles de terminologie, véritables petites académies du vocabulaire. En cette seule année 1987, celles-ci ont ainsi fait paraître au Journal officiel six arrêtés de terminologie ayant trait à des domaines les plus divers : l’informatique, la télédétection aérospatiale, l’agriculture, le génie génétique, la mer, et bien sûr l’économie et les finances, représenté ici par le Président de la commission de terminologie du ministère des finances, Jacques CAMPET.

2. La commission de terminologie du ministère de l’Économie, des Finances et du Budget.

Jacques CAMPET, Président de cette commission de terminologie fait le point sur les travaux les plus récents qui viennent de donner naissance à l’important arrêté de terminologie relatif
à l’enrichissement du vocabulaire économique et financier du 18 février 1987, paru au Journal officiel du 2 avril 1987. Cet arrêté a fait l’objet d’un numéro spécial des Notes Bleues (n° 340). Parmi les termes d’usage obligatoire, on peut relever : franco à bord (FAB) pour "free on board (FOB)", maisonnerie pour "home center", marchandisage pour "merchandising", marchandiseur pour "merchandiser", marché au comptant pour "spot-market", marchéage pour "marketing mix", mercaticien, mercaticienne, spécialiste de la mercatique, pour "marketing expert", mercatique pour "marketing", place extraterritoriale pour "off-shore place", redevance pour "royalty", répartition ou ventilation pour "dispatching", report en arrière de déficit pour "loss carry back", supérette pour "small supermarket", taux interbancaire offert (TIO) pour "interbank offered rate (IBOR)". Parmi les termes d’usage recommandé, notons : AGÉTAC (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) pour "GATT (general agreement on tariffs and trade)", évaluation par score ou scorage pour "scoring".

II - DES RÉSULTATS IMMÉDIATS

Citons par exemple :

- l’ouverture de la rubrique MERCATIQUE dans la sélection annuelle des livres de gestion publiée dans l’EXPANSION, première revue économique française (numéro du 15 mai/14 juin 1987), avec l’utilisation de MERCATICIEN dans l’analyse des ouvrages,

- Mita RUDMAN qui signe dans le MONDE DES AFFAIRES un article sur la publicité où il est question de la "Nouvelle stratégie de mercatique" (l’ancien marketing),

- l’emploi de MANAGEUR pour manager dans l’EXPANSION dès le 4 juillet 1985,

- IBM qui dans son journal d’entreprise "À PROPOS" traite de PARRAINAGE pour sponsoring (18 juillet 1987) ou encore de MERCATIQUE pour marketing (16 septembre 1987),

- la Société des Laboratoires BEAUFOUR-IPSEN International qui organise des réunions de MERCATIQUE depuis 1984,

- la CAMIF pour l’emploi dans ses publications de MERCATIQUE, MARCHANDISAGE, PUBLIPOSTAGE,

- l’emploi de MARCHANDISAGE pour merchandising dans chacun des numéros de POINTS DE VENTE.

III - DES ACTIONS DE FORMATION

Nous avons choisi deux grandes catégories d’actions : celle de I’Éducation nationale et celle de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris.

1. À l’Éducation nationale, le champ terminologique est très vaste, que ce soit à l’école primaire, au collège, au lycée ou dans l’enseignement supérieur court et long.

Prenons 3 exemples d’actions :

la nouvelle technologie au collège, où les jeunes découvrent les logiciels, la mercatique (et non le "software" et le "marketing"), et la bureautique,

- les baccalauréats de gestion (G) et les brevets de techniciens supérieurs (BTS) tertiaires où l’attention à la langue est très forte en économie et gestion,

la fabrication des programmes, œuvre des commissions professionnelles consultatives (CPC) où la rigueur terminologique est de plein exercice chez les représentants de la profession, les enseignants et dans l’administration.

2. Jacques CARTIER, Vice-Président de I’APFA et Directeur des relations internationales à la Direction de l’enseignement de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP), fait le point sur les actions qu’il conduit depuis plusieurs années.

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