Exposé de M. Jacques CAMPET,
Président de la commission ministérielle
de terminologie économique et financière
Jai apprécié lintervention de Maître Philippe Ginestié et je pense que cest un débat quil aurait été intéressant douvrir aujourdhui, si on avait eu une séance consacrée à ce seul thème, et que nous pourrions associer le service juridique du ministère et la Commission centrale des marchés à cette démarche.
Je voudrais dire aussi, que M. Bodin a fait un travail remarquable. Malheureusement il est assez isolé. Il ne faudrait pas croire que dans tous les vocabulaires spécialisés, il y ait une avancée ou un maintien du français, tel que lon vient de nous le dire puisque, dans beaucoup de cas, cest le contraire et cest pour ça quil faut apprécier son action.
En ce qui concerne la charge que M. Lauginie ma confiée, je préférerais vous faire une petite communication économique que je placerais sous légide de lordonnance de Villers-Cotterêts, dont Maître Ginestié vient de rappeler que nous célébrons le 450ème anniversaire.
"En anticipant sur un déplacement de la "cut-off date", la "BEURD", sur la base dun simple "yellow cover", sapprête à proposer à son "board" un "S.Pi.Pi.F." préalable à un "special ajustment ban" n° 3 aux termes duquel elle escompte développer un programme complet de "Ti.Vi. system" dont la "short list" est déjà prête et quelle va incorporer au "Pi.F.Pi." de chaque État".
Si, dabord, jai prononcé "BEURD" pour la BIRD, cest parce que beaucoup de jeunes gens qualifient ainsi la Banque mondiale lorsquils veulent lui donner son titre officiel en en utilisant le sigle. Anglomaniaques, ils ne savent même plus que la BIRD est le sigle français de la Banque internationale de reconstruction et de développement.
Si, ensuite, vous ne comprenez pas ma démonstration, cest que vous nêtes pas "in". Tous ces mots sont couramment employés, notamment dans ladministration qui nous héberge aujourdhui. Or, léquivalent de ces termes ne devrait pas encombrer les listes de nos arrêtés de terminologie puisquil devrait suffire de les traduire littéralement comme, par exemple "échange" pour "swap". Nous allons cependant être obligés de le faire pour ce dernier terme, comme aussi pour la "cut-off date" que lon emploie sans arrêt maintenant en matière de développement économique, pour que les notes administratives écartent ces termes au profit, respectivement, déchange ou de date butoir.
Le rôle des commissions de terminologie est plutôt de trouver des mots nouveaux et surtout des définitions, par rapport aux néologismes inventés sans arrêt par langlais.
Alors si nous devons essayer que le français ne soit pas à la traîne devant ces vocabulaires spécialisés, il ne faudrait pas que lon nous complique la tâche, cest-à-dire quon nous oblige à mettre dans nos arrêtés des termes qui ne devraient pas y figurer parce que léquivalent français existe déjà. Mon petit exposé économique introductif vous a parlé du "Ti Vi system", qui ne fait pas partie du PAF comme on pourrait sy attendre, mais correspond au "training and visit system". La première fois que jai trouvé cette expression dans une note, jai demandé en quoi lexpression anglaise était plus performante que léquivalent français "formation et visite", puisquil sagit dun système de formation technique pour les pays en voie de développement que lon va visiter ensuite pour apprécier les résultats. En fait on emploie le terme anglais lorsquon revient dune réunion à Washington, parce quon la en tête, et parce que ça fait tellement bien demployer de tels vocables devant des personnes qui peut-être ne les comprendront pas et vont être obligées de demander de quoi il sagit. Il en est de même avec le "Pi.F.Pi." qui nous envahit sous la forme de ce sigle ou du raccourci "framework". Or quest-ce quun "framework" ? Cest un document cadre. Document cadre de quoi ? Document cadre de politique économique et financière. Alors pour faire plus court on dit "framework" dont seuls les initiés savent quil faut lencadrer par "policy" et "paper" pour en comprendre le sens, alors quil suffirait de dire document cadre ou DCP. On commence par employer "framework" oralement et maintenant on le voit écrit dans des rapports en langue française.
Doit-on pour autant redresser la barre dans un arrêté de terminologie ?
Si nous sommes obligés dy mettre léquivalent de la locution "cut-off date", que lon emploie de plus en plus et qui ne peut être traduite littéralement (nous proposons "date butoir" qui a le même effet sonore), je ne pense pas que nous devons préciser dans un arrêté que "training and visit" doit se dire "formation et visite".
Sur la matière de notre vocabulaire spécialisé économique et financier, je vous rappellerai brièvement que depuis la création de la nouvelle commission de terminologie, en 1985, nous avons publié deux arrêtés :
- un très gros comprenant 100 mots, en 1987,
- un plus récemment, comprenant 40 mots en début 1989,
- le troisième, qui comprend une quarantaine de mots, va sortir.
Je ne vous dirais pas ce quil y a dedans, vous le verrez bientôt au Journal officiel puisque lAcadémie française vient de nous donner le feu vert sans proposer de modifications, sauf une ou deux, très légères.
Nous comptons beaucoup sur le travail que nous avons effectué autour du mot "swap" qui avait été traduit autrefois par "crédit croisé", alors que ceci nest quune des formes de "swaps". Nous proposons donc, pour toutes les locutions composées avec "swap", des équivalents en français et nous proposons pour "swap" tout court : "échange financier". Cest sans doute plus long que "swap", mais cest la bonne définition, puisque "swap" veut dire littéralement troc. Mais nous espérons surtout faire disparaître laffreux "swapper" quon entend de plus en plus. Les banquiers ne font que "swapper". Nous espérons quils voudront bien dorénavant "échanger", car utiliser un mot anglais, ce nest pas très bien dans une langue comme la nôtre lorsque léquivalent existe, mais inventer des mots en franglais comme "swapper" ou "sponsoring" cest encore plus abominable pour la langue.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais dire au sujet de nos travaux, en espérant que les termes proposés dans le nouvel arrêté seront rapidement pris en compte par les professionnels et les journalistes.Retour au sommaire des actes des 2ème et 3ème journées
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