Exposé de M. André Georges FERRÉ,
Président de la commission ministérielle
de terminologie de l’informatique


Je voudrais dire que l’informatique a suivi une démarche qui s’inscrit dans la vieille tradition scientifique et culturelle du développement des sciences nouvelles. Celle-ci date de fort longtemps, de Descartes, de l’Encyclopédie, et je dois dire que les développements techniques les plus importants de ces dernières années, qui ont été l’aéronautique, les communications, le traitement de l’information, ont eu lieu dans un cadre intellectuel tel que rien de ce qui se faisait ne nous était étranger, et que cette préoccupation-là s’est étendue tout de suite par le fait que les applications nouvelles ont suivi dans des délais extrêmement réduits l’apparition de réalités nouvelles.

Sur ce que l’on a appelé l’informatique, qui est le traitement électronique de l’information, il a fallu une démarche qui assure la concordance entre les développements scientifiques, les développements techniques, le marché et, surtout, élément tout à fait nouveau, le phénomène socio-économique qu’était la pénétration des applications de l’informatique dans la totalité ou la quasi-totalité des activités humaines.

Réaliser en quelques années la concordance de la conception, de la production et de la mise en œuvre est un problème, qui est, je crois, un des problèmes fondamentaux du siècle prochain. Ce qui explique qu’en ce qui concerne l’informatique, nous avons dû nous attacher tout d’abord aux notions fondamentales, aux racines étymologiques, aux racines évocatrices de telle manière que les phénomènes puissent être compris, puissent être assimilés et puissent surtout être enseignés, car la volonté principale a été la fourniture aux enseignants des références qui devaient permettre de préparer la société à l’évolution continue de ces phénomènes.

Ceci peut vous paraître un peu philosophique, mais ça se passe d’une manière extrêmement simple dans un ensemble qui comporte une dizaine ou une quinzaine de volets, ensemble qui a pour charge d’établir un consensus sur des termes qui puissent être certains, qui puissent être évocateurs, et surtout qui puissent être des racines pour donner lieu à des développements nouveaux.

Plus récemment, nous avons été saisis de demandes de références, car les concepts sont efficacement des bases de références, mais des références à caractère commercial et là nous sommes gênés car la terminologie ne consiste pas uniquement à définir un concept, elle s’insère dans un langage et dans une action, dans un langage qui est celui de la vie courante sur lequel nous n’avons nous-mêmes aucun contrôle et aucun pouvoir de certitude. Quand on nous a demandé et quand on nous demande de donner pour l’informatique une expression française équivalente au terme "freeware", nous ne pouvons pas le faire et nous disons pourquoi nous ne pouvons pas le faire. Nous pouvons le faire dans une matière non commerciale; mais dans la matière commerciale, quand nous nous sommes aperçus que la gratuité désignée par ce terme relevait de gratuités directes, conditionnelles, ça n’est pas notre rôle et ça n’est pas le rôle de la terminologie de fixer ces actions qui sont la vie même du langage. Par contre, si nous définissons ce qu’est un tableur, ce qui sert à faire des tableaux numériques, un grapheur, à la place des termes américains qui sont très difficiles, et maintenant, comme on vient de nous le proposer, un testeur, quand à partir du terme logiciel, on fait toutes les arborescences qui sont celles de ludiciel, de didacticiel, progiciel, je crois que le rôle de la terminologie de l’informatique est bien celui là, et c’est du moins ce qui a, je crois, conduit au succès des quelque 150 termes qui depuis quelques années ont été produits et qui ont la particularité d’être, tous ou pratiquement tous à 90 %, entrés dans le domaine public. Je crois donc qu’il faut faire très attention à distinguer entre ce qui est la référence pour les juristes, les concepts qui sont à la base des négociations, et le langage courant, la pratique de la langue française.

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