Allocution de Bernard CERQUIGLINI,
Délégué général à la langue française auprès du Premier ministre (France)Dakar, le 9 mai 1992
Cest un grand plaisir pour moi de saluer aujourdhui, au nom du Premier ministre de la République française :
- les organisateurs de ce concours, véritables militants du français des affaires,
- les autorités qui ont, avec une bienveillance très effective, parrainé cette organisation,
- enfin et surtout les lauréats qui ont bien mérité nos compliments et nos félicitations.Cette Coupe du français des affaires possède à mes yeux une valeur exemplaire ; elle sinscrit parfaitement dans une politique en faveur de la langue française, à laquelle nous uvrons tous, et que peuvent résumer trois termes : modernité, développement, pluralité.
MODERNITÉ :
Le français existe depuis plus dun millénaire ; jamais il na été autant parlé ni écrit dans le monde : cette langue nest pas en danger. À cette réserve cependant que dans certains secteurs (et non des moindres : les sciences et les techniques, le commerce et les finances) il est concurrencé par langlais, qui paraît porteur des valeurs de la modernité et du progrès. Les emprunts se multiplient alors, dessinant une langue hybride, quand le français nest pas simplement abandonné. Or, aucune langue dune part nest investie, par nature, dune mission de modernité ; toutes les grandes langues de communication, dautre part, doivent pouvoir énoncer le monde contemporain. Il convient pour cela de les équiper, de les doter du vocabulaire et des définitions conceptuelles que lactivité technique et la vie économique requièrent. Cest ce que nous faisons pour le français.
DÉVELOPPEMENT :
Avec cette particularité que la langue française rassemble un grand nombre de pays et de peuples, de cultures et de problèmes en un vaste mouvement de fraternité et de solidarité. La francophonie est un humanisme effectif, son axe est lentraide nord-sud. Et cest ici que nous retrouvons lidée de progrès : il serait scandaleux, et indigne de nos valeurs que le développement économique doive emprunter en dehors de la francophonie son modèle, ses mots, sa langue. À la politique de formation, qui prépare les cadres commerciaux, les techniciens de léconomie dont les pays du sud ont besoin, il convient dadjoindre un effort commun en faveur de loutil de formation que nous partageons, de linstrument de développement et déchanges qui nous unit : la langue. La création terminologique est nécessaire, la maîtrise dun français des affaires clair et performant est une priorité, - mais cest laffaire de tous.
Le français appartient à celui qui le parle, à celui qui le fait vivre. Chacun dentre nous est responsable de la francophonie, des options de son développement, du progrès de sa langue.
PLURALITÉ :
Mais ce progrès nest en rien hégémonique. Être francophone, appartenir à une famille mondiale, porteuse dune culture ancienne et faite dapports multiples, cest privilégier léchange, le dialogue, la coopération. Je lai dit, toutes les grandes langues de communication doivent relever le défi de la modernité. Cest, par exemple, un objectif européen (nos amis allemands en sont bien conscients), que les langues romanes dEurope ont intérêt à mener de concert, le français étant dans ce processus tantôt modèle, tantôt élève. Rappelons surtout que la francophonie, définie par le français mais traversée par de nombreuses langues de grande ampleur, est polyphonique. De cet espace plurilingue, la langue française est non seulement le fondement mémorable, lactualité de la collaboration solidaire mais, tournée vers le futur, le laboratoire de la politique linguistique. Un récent séminaire de lAgence de Coopération Culturelle et Technique la montré avec évidence : le continent africain a besoin de terminologues, la question de la modernisation des langues africaines est à lordre du jour, il faut se préparer à des transferts de méthodologie, à des réflexions communes. Le progrès de la langue française nest pas disjoint du progrès des langues de sa fraternité ; lidée de francophonie qui nous anime ne tolérerait pas une telle disjonction.
Au-delà de ce concours, jeunes lauréats, cest à un grand mouvement de léconomie, de la langue et des peuples que vous avez participé, et auquel vous participerez plus activement encore demain. Tous les efforts comptent ; en réussissant brillamment, chacun dentre vous a montré quil a dans ses mains lavenir dune langue, dun pays, dun continent.
Bon courage !
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