ALLOCUTION DE DRS. DINK VAN DEN BRINK,
Professeur-formateur de français dans l'Enseignement professionnel supérieur
Traducteur assermenté - Membre de l'Association néerlandaise des Traducteurs
Lauréat du Mot d'Or 1996
Allocution prononcée à propos de la remise du Mot d'Or 1996 à Dick van den Brink et Wim Kruize, le 21 novembre 1996 à Paris au Ministère de l'Économie et des Finances.
Madame le Président, Mesdames et Messieurs,
Les Néerlandais n'ont pas la réputation d'être de bons orateurs. Aussi, mon appel à votre patience sera de courte durée.
Les langues européennes ont en commun d'être confrontées à une invasion incessante de termes faisant partie du patrimoine linguistique de Shakespeare. Ce phénomène s'est installé bien avant l'ouverture du tunnel sous la Manche.
C'est ainsi qu'on retrouve en langues française, allemande et néerlandaise, pour me limiter à celles-ci, un grand nombre de termes anglais. Aux Pays-Bas surtout, il est de bon ton de larder la moindre conversation d'expressions directement importées du royaume aux mariages princiers explosifs.
J'avoue perdre, parfois, le fil de l'histoire de mon interlocuteur, tant je suis matraqué de termes royaume-unisiens. Le simple professeur de français que je suis perd son latin sous la douche de tant de britisheries. Aucun ministre, aucune instance aux Pays-Bas ne paraissent s'inquiéter outre mesure de l'utilisation de ce sabir batavo-britannique, excepté les puristes à qui ça donne des nuits blanches, mais leurs insomnies à eux sont notoires.
Or en France, devant cette invasion paisible, mais perfide, il est des esprits qui réagissent et qui en appellent à une francisation de ce flot incessant, pour éviter que le français ne coule, battu par les flots des anglicismes. Et j'ose me servir de cette image dans la ville même dont le "fluctuat nec mergitur" est la raison d'être.
Le Conseil supérieur de la langue française, l'Académie française, la Délégation générale à la langue française, et l'APFA pour ce qui est du français langue d'affaires sont des vigiles linguistiques d'une part et des instances génératrices d'un vocabulaire tout nouveau d'autre part. Leurs incessantes démarches en faveur de la langue de Molière méritent à mon avis toute notre sympathie. Aussi je tiens à complimenter Monsieur Lauginie, infatigable lutteur devant l'Éternel pour un français d'affaires à part entière.
Mon ami et collègue, Wim Kruize, et moi sommes très sensibles à l'honneur dont nous sommes l'objet cet après-midi.
Depuis le pays aux moulins et tulipes, ou faut-il dire le pays aux coffee shops, mot qu'on pourrait si joliment franciser par «cannabistrot», bref depuis les Pays-Bas, nous partageons à 100 % le point de vue de l'APFA dont je suis membre depuis une dizaine d'années. Voilà pourquoi, en composant notre LEXIQU'AFFAIRES, il nous a paru tout naturel de mentionner, outre le terme anglais, l'équivalent français. Et comme l'APFA aux Pays-Bas est encore trop peu connu, nous avons voulu, dans notre préface, faire une tentative d'élargissement d'audience en citant les louables efforts de cette institution.
Inutile de vous dire que le coup de fil m'annonçant que notre lexique avait été retenu pour le "Mot d'Or" dans la catégorie "Auteurs et Éditeurs" m'a complètement bouleversé et déboussolé.
Voir couronnée du "Mot d'Or" une quarantaine d'années consacrée à l'enseignement et à la propagation du français aux Pays-Bas me procure beaucoup de satisfaction et un vif plaisir.
Ce plaisir est également d'ordre fiscal. Je m'explique. En raison de mon métier de prof, aux Pays-Bas, quand je m'exprime en français, mes propos sont fiscalement déductibles. Vous imaginez facilement la réduction fiscale à laquelle j'aurai droit, en vous haranguant dans un des locaux même du Ministère de l'Économie et des Finances.
Je réitère notre reconnaissance pour cette distinction particulière. Je tiens à féliciter nos co-lauréats ici présents, tout en constatant que l'APFA n'a pas mâché ses mots... d'or, et je souhaite à l'APFA et à son président bien du succès dans leur entreprise.
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