Exposé de Jacques Campet,
Président de la Commission spécialisée de terminologie économique et financière au Ministère de l'Économie et des Finances
LA TERMINOLOGIE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE EN 1996
Depuis l'an dernier, à pareille époque, je n'ai pas tellement de nouvelles à vous donner au sujet de l'évolution normative de la terminologie économique et financière. Comme vous le savez, pendant une dizaine d'années de 1984 à 1994, cette fonction s'exerçait dans le cadre de loi du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française et avec un décret d' application du 11 mars 1986 qui était dit, et c'était bien, relatif à l'enrichissement de la langue française, nous essayons effectivement de l'enrichir pour lui permettre d'évoluer dans un domaine moderne en matière économique et financière.
Ces textes là étaient préparés par une Commission ministérielle, qui a été créée en 1985 et renouvelée en 1994, et des projets d'arrêtés étaient ensuite soumis à l'institution compétente qui couvrait l'ensemble, c'était le Commissariat général à la langue française, puis la Délégation générale à la langue française et par l'intermédiaire de celle-ci, à un certain nombre d'organismes consultatifs dont je le rappelle l'Académie Française, et je me plais à dire que nous avons toujours suivi les remarques ou les propositions de modifications que nous proposait l'Académie Française.
Ces arrêtés étaient ensuite signés par le Ministre compétent, Ministre de l'Économie et des Finances et par le Ministre chargé de la tutelle de la Délégation générale à la langue française. C'est ainsi que dans le cadre de cette procédure nous avons officialisé 300 termes en 7 arrêtés, je ne dirais pas que la plupart sont aujourd'hui d'usage courant, on ne peut pas parler d'usage courant pour ce vocabulaire spécialisé, mais nous pouvons dire aussi qu'un certain nombre maintenant font partie du patrimoine linguistique de ce pays.
Lors de notre dernière rencontre, j'ai évoqué le changement de procédure, qui résultait de la loi de 1994 sur le français et d'un décret qui devait paraître et qui est paru maintenant, le décret du 3 juillet 1996, qui crée à côté des Commissions ministérielles un organisme nouveau, une Commission générale de terminologie et de néologie. C'est cette commission, dont la première séance aura lieu le 27 novembre, ce n'est plus un secret, qui doit examiner les listes qui sont en attente depuis 1994. Il va y avoir du travail parce qu'en 1995 nous avions tout de même remis à la Délégation générale à la langue française une liste de 64 termes, qui est donc non plus le huitième arrêté mais la huitième liste, et que plus tard nous avons au début de cette année réuni la commission en assemblée générale pour adopter une quarantaine de termes, ce qui fait que nous avons plus de 100 termes qui seront maintenant mis à l'ordre du jour de la Commission générale de terminologie et de néologie ; auparavant la quarantaine de termes sera testée devant un petit jury de journalistes économiques et financiers, pour nous dire si effectivement les propositions de traduction et de définition sont suffisamment claires pour le public.
Lors de la huitième Journée du français des affaires, je vous avais indiqué les grandes lignes de cette nouvelle liste du huitième arrêté, je n'y reviendrai pas, mais je constaterai simplement que parfois la non officialisation n'empêche pas un mot d'aboutir ; vous avez pu constater que dans la presse maintenant, on parle plus couramment de défaisance, mot qui n'a pas encore été officialisé, puisqu'il figure dans cette huitième liste ; s'il est couramment employé par les journalistes, c'est parce que l'Association Française des Banques, grâce à son Délégué général Patrice CAHART et Vice-Président de cette Commission ministérielle, l'a retenu dans ses publications ; maintenant plus personne ne le conteste.
Je voudrais simplement vous dire que plus nous avançons et plus nous voyons l'importance de la tâche. Ainsi par exemple, en économie, alors que nous avions au départ une rubrique économie qui a été subdivisée en économie et technique commerciale, nous avons maintenant une rubrique économie, une rubrique macroéconomie, une rubrique économie / technique commerciale, elle-même subdivisée en technique commerciale et mercatique, une économie / marché du travail avec énormément de mots nouveaux qui nous arrivent des pays anglo-saxons, nous avons une rubrique économie d'entreprise, nous avons une rubrique commerce international, vous voyez donc l'ampleur de la tâche.
Par contre, ce qui est paradoxal, c'est que nous n'avons qu'une rubrique finances, banque, marchés et que nous tenons à ce que cette rubrique, que ce domaine reste unique dans la mesure où les mots qui nous arrivent maintenant, sont des mots qui ont des acceptions différentes en matière de finances, de Trésor, de banque et de marchés et qu'il faut au contraire les rassembler, voir si une traduction unique peut être donnée ou s'il faut deux traductions étant donné que le concept est parfois différent en matière bancaire ou en matière de bourse, par exemple.
Je crois donc que nous devons comparer ce qui se passe au sein de cette rubrique et c'est ce que nous avons essayé de faire avec les mots concernant les métiers en matière de bourse et en matière de banque ; dans cette huitième liste, nous avons enfin réussi à nous mettre d'accord avec les spécialistes du Trésor, les spécialistes de l'Association Française des Banques, ceux des opérations de bourse pour traduire le "dealer" qui nous vient des États-Unis alors qu'au Royaume-Uni, c'est le "broker" et nous proposons de le traduire par marchand, le "broker dealer" serait un courtier marchand, l'"interdealer broker" serait un courtier marchand interprofessionnel ; le "trader" serait un négociateur encore que certains auraient voulu que ce soit l'opérateur, mais nous pensons que l'opérateur c'est un terme générique qui peut regrouper toutes ces appellations alors que le "trader" est bien plutôt le négociateur ; nous avons le "local" qui sera le négociateur international de parquet avec un sigle pour faire plus vite par rapport à ce mot très bref anglo-saxon mais qui après tout ne veut rien dire sorti de son contexte, et ce sera le NIP ; et nous aurons tout de même aussi un mot pour essayer d'extirper ce gag qu'est le "cacman", une création française que nous traduirons par l'opérateur CAC ; le "sales-trader" sera le négociateur et le "sales man" sera le vendeur négociateur.
Cela paraît facile mais il a fallu des mois et des mois pour que les différents représentants des organismes professionnels intéressés se mettent d'accord sur ces termes ; j'espère que la Commission générale pourra examiner rapidement cette liste qui d'ailleurs pourrait être publiée comme cela dans les Notes Bleues, dans la mesure où ce ne sont pas des mots nouveaux, mais c'est une officialisation de traduction avec bien entendu les définitions qui font entre 5 et 10 lignes pour bien montrer les différences qu'il y a entre tous ces métiers. Je vous dirai aussi que nous avons beaucoup travaillé sur les équivalents de "trade-off" et de "matching", qui sont des mots que l'on rencontre de plus en plus souvent et pour lesquels nous proposons l'arbitrage et l'appariement.
Pour l'auditoire qui n'est pas familiarisé avec ces concepts un peu délicats, je vous dirai que nous avons travaillé sur les différents mots qui essayent de faire la différence entre les appels de prix.
Nous aurons le "leader price" traduit par le prix normal, le "street price" sera bien évidemment le prix de la rue et pour le "odd price" qui est un prix de vente qui est situé juste en-dessous du prix rond, nous avons trouvé le prix trompe-l'œil.
Je ne vais pas plus loin dans le détail, mais tout cela pour vous dire que nous avons encore du pain sur la planche et que nous sommes en attente de la publication de cette centaine de mots qui, je pense, serviront à la fois la théorie économique et financière et l'usager.Retour au sommaire des actes des 8ème et 9ème journées
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