Exposé de Jean-Claude Gilardi,
Professeur des Universités
PERFORMANCE MERCATIQUE
Tout d'abord je voudrais vous dire c'est un plaisir d'être devant vous et même un honneur de parler devant vous de mercatique et de performance mercatique.
Quand M. Lauginie m'a demandé si je pouvais participer à votre Journée de travail et de parler de la performance commerciale, des mots de la performance commerciale, j'ai été à la fois rassuré et en même temps inquiet.
Rassuré, parce qu'il faut bien reconnaître que dans les métiers commerciaux, la performance, le défi, que ce soit un défi à relever pour dépasser ce que l'on a réalisé jusqu'à présent, ou pour essayer de dépasser les concurrents, ce défi c'est le lot quotidien de tous les commerciaux. 11 n'est pas étonnant en conséquence que la liste des mots qui vont essayer dans notre discipline de dire comment on évalue, comment on approche la performance, est très abondante. Sans vouloir faire référence strictement au dictionnaire de mercatique, j'ai essayé de compter les mots qui, de façon très directe font référence aux performances commerciales, j'en ai compté plus de 80, soit le quart des mots qui étaient recensés dans le dictionnaire, ce qui fait beaucoup.
C'est donc un domaine dans lequel se pose plutôt la question de savoir comment on fait le tri entre tous ces mots qui évoquent la performance. Pour faire ce tri, j'ai essayé de regarder un plan de marchéage, c'est-à-dire un ensemble de moyens que certaines entreprises définissent pour atteindre un certain nombre d'objectifs commerciaux. L'objectif et l'extrait du plan de marchéage que j'avais sous les yeux était le suivant : atteindre en douze mois 10% de part de marché et être présent dans 60% des hypermarchés et cela avec un taux de notoriété de 33%.
Si on regarde cette phrase qui définit les objectifs du plan de marchéage, en fait, on voit apparaître non pas un, mais trois objectifs.
Je les reprends rapidement, 10% de part de marché, présence dans 60% des hypermarchés et un taux de notoriété de 33 %.
Mais à y regarder de plus près, on peut dans ces trois objectifs faire apparaître deux catégories d'objectifs : il y aura ce que l'on peut appeler un objectif final, d'aucuns diraient peut-être principal, l'objectif final, ce serait bien sûr, ici, la part de marché, puisque après tout on fait du commerce pour vendre, pour s'imposer, pour gagner par rapport aux concurrents ; les deux autres objectifs, ceux qui concernent la présence dans les hypermarchés, le taux de notoriété, en fait, ces deux autres objectifs ne sont en réalité que des instruments, que des moyens qui devraient nous aider à réaliser l'objectif principal de 10% de part de marché.
C'est en constatant cela que j'ai pensé organiser ma présentation de cet après-midi, autour de ces deux pôles, avec une première partie qui sera consacrée aux mots permettant de parler de performances instrumentales et la deuxième partie consacrée à une réflexion sur les mots qui qualifient les performances finales ou principales de l'entreprise.
Première partie : Les mots des performances instrumentales
II ne s'agira pas pour moi de les reprendre tous ; j'ai choisi d'aborder deux domaines d'objectifs et donc de performances instrumentales.
Premier domaine : La communication commerciale
Les gens qui font du commerce et qui s'intéressent aux problèmes de mercatique, ont à leur disposition des instruments de mesure de performances orientés sur la communication commerciale. Ces performances s'attachant à la communication commerciale, on peut les présenter selon une espèce de modèle d'influence, on parle parfois de hiérarchie des effets, pour retracer un petit peu le chemin par lequel une communication commerciale pourrait nous convaincre d'acheter tel ou tel produit.
Quand on parle de performance de communication commerciale, la première chose, c'est déjà de faire en sorte que le message que l'on émet soit bien sûr vu ou entendu. Il faut que le message soit vu et par rapport à cet objectif, les performances plus ou moins bonnes que l'on pourrait constater sont des performances qui concernent donc la visibilité du message, ce que nous appelons l'audience, qui signifie en fait le nombre de personnes, d'individus, qui ont été touchés par notre message. Il va sans dire que la performance sera d'autant meilleure que le nombre de ces personnes soumises à notre message aura été plus grand.
Ce qui est tout à fait important en matière de performance pour la communication, c'est de choisir des supports pour cette communication commerciale, la publicité, principalement, de choisir des supports qui nous permettent de maximiser ce que nous appelons l'audience utile, c'est-à-dire le nombre d'individus qui sont des acheteurs potentiels de notre produit et que l'on va contacter grâce à l'émission de ce message sur les ondes ou dans les magazines.
Visibilité donc, avec cette notion d'audience mais aussi avec une autre notion qui est la notion d'ODV. J'utilise les abréviations quand elles sont devenues très courantes mais rassurez-vous, ODV Occasion De Voir, vous trouverez aussi les ODE, Occasion D'Entendre. Vous voyez tout de suite qu'il s'agit de publicité dans des magazines ou radiophonique. Alors, effectivement, maximiser le nombre des personnes qui sont des consommateurs potentiels, qui auront été touchés par notre message, c'est bien, mais vous le savez, nous ne sommes pas sensibles à la première écoute d'un message publicitaire. Pour être convaincus de son intérêt, pour s'en souvenir, il nous faudra peut-être l'avoir vu ou entendu plusieurs fois. C'est la raison pour laquelle parmi les indicateurs de performance en matière de publicité, nous allons trouver l'indicateur formé par les ODE, les ODV, les occasions de voir et d'entendre ou encore un calcul de répétition moyenne qui nous permet de savoir combien de fois une personne, qui fait partie de la cible visée par notre action commerciale, aura été en moyenne en contact avec le message, et là encore, plus ce nombre de contacts est grand, plus on espère obtenir une influence sur les comportements des gens.
Cela, c'était le thème de la visibilité, mais bien sûr, la visibilité n'est pas suffisante pour atteindre la performance complète du point de vue commercial. Il faut être vu, mais il faut surtout que les gens se souviennent de notre message et là nous avons également toute une série d'indicateurs de performance qui sont des indicateurs de mémorisation du message avec deux familles d'indicateurs. Vous avez peut être entendu parler du score brut et du score prouvé : quand dans une campagne de publicité, on essaye d'évaluer si oui ou non elle a marqué les esprits et si les gens s'en souviennent, on va faire une enquête bien sûr, on ne peut guère agir autrement en mercatique, faire une enquête pour essayer de savoir combien de personnes se souviennent, notamment le lendemain d'une émission qui est passée à la télévision, on parle d'ailleurs de mémorisation du lendemain. Le lendemain, on interroge un certain nombre de personnes qui ont été au contact en tant que lecteur ou téléspectateur avec l'annonce et on leur demande s'ils se souviennent des annonces qu'ils ont entrevues la veille, à la télévision par exemple, et le pourcentage d'individus qui sera capable de citer l'annonce qui nous intéresse, prouvera que le message a été mémorisé. C'est ce que l'on appellera d'ailleurs le score brut. On ne fait pas totalement confiance au répondant, on parle aussi de score prouvé, c'est-à-dire, qu'après qu'il vous aura dit, oui, j'ai vu une annonce de Citroën hier soir à la télévision, on essaye de leur demander au fond, s'ils peuvent nous prouver qu'ils l'ont vu en donnant un certain nombre d'éléments descriptifs de cette annonce, s'ils en sont capables, on aura l'impression, que non seulement ils ont dit avoir vu cette annonce mais qu'en plus ils nous prouvent qu'ils se souviennent des éléments principaux qui ont été présentés dans la dite annonce.
Visibilité, mémorisation. Le troisième niveau, c'est au fond, la mémorisation de la marque, du nom de l'entreprise, qui sont un effet, non pas d'un seul message de publicité mais d'un ensemble de messages publicitaires. Cette mémorisation de la marque, on va la mesurer de deux façons. En spontané et en assisté. En spontané, on demande tout simplement aux personnes interrogées de nous dire si elles peuvent citer des marques de lessive et si vous avez la chance d'avoir votre marque qui est citée on dira que vous faites partie des gens dont la notoriété spontanée est très grande puisque personne n'a incité le répondant à citer votre marque. C'est donc une preuve que votre marque est extrêmement connue. Votre marque est également connue si, lorsqu'on présente à des individus qui n'ont pas cité votre marque en premier lieu, une liste de noms, en mélangeant des noms qui sont de vrais noms de lessive avec des noms qui ne le sont pas, lorsqu'ils sont ainsi assistés par cette liste de noms de marques qu'on leur présente, si le pourcentage d'individus qui reconnaissent votre marque est important. S'il en est ainsi, on dira que notre marque a une belle notoriété assistée.
Voilà pour l'essentiel les termes qui s'intéressent aux performances et à la mesure des performances, en matière de communication commerciale.
Deuxième domaine : les représentants de l'entreprise
Toujours pour parler des performances instrumentales et des objectifs qui servent les objectifs finaux dont on parlera tout à l'heure, je voudrais également évoquer d'autres performances instrumentales qui sont très souvent mesurées, grâce à des techniques d'enquêtes qu'on appelle des panels, qui donnent lieu à un suivi mensuel dans toutes les entreprises d'une certaine importance. Ces performances concernent la mise en marché du produit, la manière dont le produit va être mis sur le marché, proposé au client.
Il est proposé d'abord, vous le savez par des vendeurs, on pourrait citer ici toute une série d'indicateurs mesurant les performances des représentants de l'entreprise. Parmi ces indicateurs, j'en citerai deux ou trois simplement, il y a un indicateur de travail, d'effort, combien font-ils de visites dans une semaine, dans une année. Font-ils plus de visites que nos concurrents ? Ces visites, bien entendu, amènent le vendeur à voyager, tout cela représente un coût et il s'agira de savoir si les performances en matière de coût de représentation sont bonnes et là, l'indicateur serait le coût par rapport au chiffre d'affaires, c'est un indicateur simple mais utile. Enfin, l'indicateur concernant les vendeurs et leurs performances serait le chiffre d'affaires qu'ils ont réalisé puisque après tout ils sont là d'abord et avant tout pour vendre. Le chiffre d'affaires qu'ils ont réalisé ainsi que le nombre de prospectés qu'ils ont contactés parce qu'un bon vendeur, ce n'est pas seulement quelqu'un qui fait de la vente, c'est aussi quelqu'un qui prépare l'avenir grâce à de la prospection.
Donc ces indicateurs de performance, on les retrouve au niveau du nombre de visites, de la quantité de travail, au niveau du coût du vendeur. Gaspille-t-il l'argent de la compagnie ou non ?
Deuxième partie : Les mots des performances finales ou principales de l'entreprise
À propos des performances finales, quand je préparais cette petite intervention, il m'est apparu clairement que si l'on présente l'historique de l'évolution des entreprises par rapport à la mercatique, on a tendance à établir dans cet historique deux grandes périodes, au moins, la phase pré-mercatique et ensuite la phase de la mercatique ; j'ai regardé dans les mots de la performance s'il n'y avait pas des mots caractéristiques de chacune de ces deux phases et il y en a.
C'est vrai qu'après tout on fait du commerce, on fait de la mercatique pour vendre. Dès lors il ne faut pas s'étonner si pour l'essentiel ces performances finales dont je voulais vous parler plus longuement, tournent autour de thèmes du genre, combien a-t-on convaincu d'acheteurs ? combien y-a-t-il d'utilisateurs de notre produit ? quelle quantité achètent-ils, pour quelle valeur ? et c'est la notion de chiffre d'affaires, puisque nous sommes dans le monde des défis, il s'agit de se placer par rapport aux concurrents, il s'agira donc de mesurer par-delà les quantités, les valeurs vendues, il s'agira de se mesurer par rapport à nos concurrents et de calculer des parts de marché qui nous permettent de savoir comment on se situe par rapport à tous les autres concurrents, ou des parts de marché qu'on appelle relatives, c'est-à-dire qui permettent de nous situer par rapport au meilleur de la profession, donc vous avez cette approche en terme de performance purement commerciale : quantité vendue, valeur vendue, part de marché ; mais la mercatique a introduit d'autres ambitions au niveau des entreprises.
L'ambition, ce n'est pas de réaliser des coups commerciaux qui permettent justement d'augmenter le nombre de clients et le chiffre d'affaires mais d'essayer de réussir dans la durée, et pour réussir dans la durée, il va falloir aux entreprises faire des efforts pour s'adapter aux besoins, aux attentes des consommateurs, c'est la raison pour laquelle les performances de deuxième génération, les performances mercatiques vont consister beaucoup plus en une évaluation de l'image que l'entreprise peut avoir auprès des consommateurs, en une évaluation de la satisfaction que les consommateurs ont pu éprouver à consommer notre produit.
La satisfaction, la préférence déclarée, l'intention d'achat, l'image de nos produits, voilà des indicateurs qui sont essentiels si l'on veut faire une approche mercatique et non plus exclusivement commerciale,. J'allais oublier, mais je crois qu'il faut peut-être le dire, c'est qu'au niveau comportemental, puisque les indicateurs que je vous ai cités relèvent plutôt de l'affectif, l'image de la satisfaction déclarée, il s'agira bien entendu de suivre des indicateurs qui permettent d'évaluer la fidélité de la clientèle, puisqu'au fond, si on est satisfait, l'expression naturelle de cette satisfaction va être la fidélité.
Les mots de la performance mercatiques ne sont pas réunis dans tous ceux que j'ai évoqués cet après-midi devant vous.
Je crois que l'on distingue, deux périodes : la période commerciale, la période mercatique mais de plus en plus d'entreprises ressentent le besoin d'être davantage des entreprises citoyennes. Elles ont, dans cette perspective, compris que leur réussite commerciale ne peut pas reposer exclusivement sur l'adaptation de leurs produits aux attentes des clients.
Les entreprises doivent, pour réussir commercialement, adapter leurs propositions aux besoins d'autres partenaires que les seuls consommateurs.
Elles doivent plaire, dirons-nous, aux pouvoirs publics, aux associations de consommateurs, aux associations de défense de l'environnement, à des associations de défense de la santé publique. Bref, elles doivent plaire à beaucoup plus de partenaires que ceux qui s'appellent les clients, les consommateurs et peut-être que les mots de la performance de demain restent largement à inventer mais on devra les inventer, et les jeunes qui sont venus à la tribune tout à l'heure nous aideront certainement à les inventer ; ils passeront ces mots, par une évaluation de ces performances par rapport à la société toute entière, parce que la mercatique de demain, c'est certainement une mercatique plus sociétale et les mots de la performance seraient à puiser dans ce registre.Retour au sommaire des actes des 8ème et 9ème journées
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