Le bel hommage
Éditorial de Jean-Louis Bernier
II faut se réjouir d’avoir vu, à Paris, la section suisse de notre union récompensée pour le bulletin qu’elle édite, Défense du Français. Ce n’est pas tous les jours qu’un effort continu - notre bulletin a 42 ans - se voit distingué. Ce n’est pas tous les jours non plus que ces messieurs de Paris reconnaissent qu’il y a, en Suisse, un engagement francophone qui s’exprime à travers une publication mensuelle dont l’objectif est le bien dire, le juste parler. La qualité de sa rédaction est le fait d’André Panchaud.
Nombreux étaient ceux à s’approcher de nous, à se présenter, à nous complimenter à l’issue de la cérémonie. À croire qu’on découvrait une Suisse francophone dont on mesurait mal la volonté de cultiver une langue de partage entre 56 pays et régions.
La distinction dont nous avons été l’objet est d’autant plus bienvenue que la manifestation est placée à l’enseigne du "français en affaires", domaine dans lequel cette sorte d’espéranto anglo-américain fait le plus de ravages. D’où la démarche de trouver, de créer des équivalences en français.
Et puis - on l’a entendu à Paris de la voix d’étrangers francisants - c’est par la langue que l’on s’intègre, même s’il n’existe pas de langue facile. Le grand journaliste Dominique Bromberger a osé : notre langue, a-t-il dit, est à peu près la seule avec l’anglais à être universelle.
Pour toutes ces raisons, vos représentants à Paris étaient fiers d’entendre Hervé Cassan, représentant l’OIF, déclarer à l’adresse des lauréats : "Vous incarnez un formidable militantisme."Mots d’or 2002 remis à Paris
La section suisse lauréate
avec son bulletin Défense du Français
La section suisse de l’Union internationale de la presse francophone a été distinguée par le jury du Mot d’Or le 21 novembre "pour la qualité, l’utilité et la richesse de votre bulletin". Jean-Louis Bernier, président de la section, et André Panchaud, rédacteur des fiches de Défense du Français, se sont rendus à Paris pour recevoir, parmi d’autres lauréats, cette distinction.
Un peu d’histoire et un rappel : Défense du Français est un bulletin créé en 1960 par Claude Bodinier et édité par notre section. Il paraît douze fois par an. Les 250 journalistes affiliés à notre section ne sont pas les seuls à le recevoir : nous comptons, parmi nos abonnés, 74 entreprises, 75 collectivités publiques (dont des bibliothèques, des écoles, des chancelleries) et un grand nombre de personnes privées : traducteurs, avocats, enseignants, publicitaires, gens de plume. Quinze étrangers à la Suisse y souscrivent : des Français, des AIlemands, des Belges, des Canadiens.
Le bulletin est imprimé sous forme de fiches à découper et à classer. Sont décrits là les mots, verbes, qualificatifs, tels qu’ils devraient être employés et non - ainsi qu’il en est généralement usage - dans un sens détourné, opposé au sens premier ou à la mode. Sont recensés, en outre, les anglicismes, les vocables ayant leur équivalence en français. Un "business center" est un centre d’affaires, par exemple : l’expression française est comprise de tous. Bref, le bulletin toilette notre langue (écrite et parlée) afin de la rendre plus juste, simplement correcte.C’est le bien parler
Deux mots sur l’homme qui s’acquitte avec compétence et modestie de cette tâche : André Panchaud. Typographe de formation, il est devenu correcteur aux célèbres Éditions Rencontre d’alors. Il fut, aussi, responsable du service de correction à l’Imprimerie Union Rencontre, à Mulhouse, et a occupé un poste de correcteur de presse auprès du quotidien haut-rhinois L’Alsace. Correspondant régulier de diverses publications syndicales et professionnelles, il collabore à plusieurs autres périodiques français et suisses.
André Panchaud a succédé à René Belakovsky, atteint dans sa santé depuis août 1999. Bela nous a quittés le 6 mai 2000, à 70 ans. Ce champion suisse d’orthographe, typographe et correcteur, était un fin lettré. Nous lui avons rendu hommage dans notre numéro d’Alouette de juin 2000.
Depuis lors, donc, André Panchaud assume la rédaction de ces fiches.
Le Mot d’Or, maintenant. Ou les Mots d’Or, car il y en a plusieurs, attribués à diverses catégories. Citons le monde des affaires d’abord, où l’emprise de l’anglo-améncain est la plus pesante. L’économie générale, l’économie d’entreprise, la banque, les marchés, le droit, la consommation, la gestion et, également, les institutions, les auteurs, le meilleur dictionnaire ou la meilleure enseigne, les journalistes de la presse écrite, télévisuelle ou audiovisuelle, des chercheurs, des étudiants, etc.
La quinzième Journée du français des affaires s’est donc déroulée au Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, à Paris. Il faut savoir que cette manifestation ("espaces linguistiques régionaux et transnationaux, langues de France et langues de l’échange") est placée sous le patronage de l’Organisation internationale de la francophonie, de l’Agence intergouvernementale de la francophonie et de divers ministères français (Affaires étrangères, Coopération, Culture, Communication). C’est dire que les cérémonies officielles et les remises du Mot d’Or ont un très large écho.
"Pour l’amour des mots. Le bonheur d’entreprendre. L’avenir de chaque culture", comme le mentionne le visuel du Mot d’Or.
Figure même, dans le calendrier des épreuves de l’année, le Printemps des poètes réservé aux jeunes entrepreneurs poètes. La poésie dans l’entreprise, ou comment trouver les mots pour exprimer une action, une démarche, un concept en français, voilà quelque chose de peu banal...
Rencontrés là, lors de cette cérémonie, des personnes étonnantes, comme ce professeur de français de nationalité brésilienne, venu à Paris avec 28 de ses homologues, représentant autant d’États, Dario Pagel, qui préside la Fédération internationale des professeurs de français (tous de langue maternelle non française donc), ou Dominique Bromberger, cette très grande voix de France-Inter, qui se remet d’un grave accident survenu en mars 2001, lequel le laissa, longtemps, entre la vie et la mort. Ou ce chargé de mission de l’Éducation nationale, Bernard Emont, passionné de l’histoire de la Nouvelle-France, de cette Acadie d’alors, et qui nous révèle l’œuvre poétique américaine de Marc Lescabot. Et, tenez-vous bien, ce Marc Lescabot écrivit 1700 vers du Tableau de la Suisse ! Oui, une sorte de descriptif touristique d’il y a quatre siècles, alors que l’homme était diplomate dans notre pays.
Et puis ces 26 élèves et étudiants en économie de gestion et en français des affaires, francophones et francisants, venus de 21 pays spécialement à Paris pour recevoir leurs prix, suite à l’épreuve mondiale du Mot d’Or du 19 mars dernier, qui en sont repartis les bras chargés de livres et de dictionnaires. C’est le professeur Hervé Cassan, membre du Haut Conseil de la francophonie, qui assurait la présidence de la remise de ces Mots d’Or aux étudiants étrangers.
Et, à l’appel de la section suisse de l’Union de la presse francophone, nous n’étions pas peu fiers de gagner l’estrade présidentielle, d’être congratulés par le président du jury du Mot d’Or, Jean Marcel Lauginie, de recevoir médaille (elle pèse 700 g !) et diplôme et de délivrer un bref propos de circonstance pour faire savoir à l’auditoire ce que nous sommes, notre engagement en francophonie et l’état du français en Suisse.
(Alouette, bulletin de l'Association suisse des journalistes de langue française, Numéro 4 de décembre 2002)Nos envoyés à Paris : Jean-Louis Bernier et André Panchaud.
Georges Gros, entouré d'André Panchaud et de Jean-Louis Bernier lors de la remise du prix.
Jean-Louis Bernier et Dominique Bromberger qui a vécu de l'autre côté du Léman, non loin d'Yvoire.
Les 26 élèves de 21 pays venus spécialement à Paris pour recevoir leurs prix.
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