PORTRAIT
Avec Jean-Marcel Lauginie : la langue française a trouvé un grand... attaquant
• II a créé une association pour défendre le français des affaires.
• Pourfendeur du franglais, il pense que nos langues ont un avenir mercatique.
• 642 termes réinventés du franglais au français.
Ne pas se tromper : Jean-Marcel Lauginie ne bouffe pas du Ricain à longueur de discours. « On marche sur la tête », dit-il néanmoins de ces entreprises françaises qui font leur comité de direction en anglais. On cherchera aussi en vain la tignasse du dangereux gauchiste anglophobe ou le panache flamboyant du poète gaullien villepinesque. Pourtant, avec ses airs de professeur classique, avec une once d'élégance british, Jean-Marcel Lauginie a fait plus pour résister au franglais envahisseur que bien des doctes linguistes. Il ne porte pas la francophonie au revers du veston, il en fait. Son exception culturelle, il la revendique sur le terrain le plus favorable à l'envahisseur : celui de l'économie, véhicule favori de l'impérialisme anglo-saxon. Né à Montignac (Dordogne), d'un père artisan menuisier et d'une mère anglaise originaire de Chelsea, Jean-Marcel Lauginie ne peut être sérieusement accusé d'en vouloir à Shakespeare. Évreux-Paris-Niort, tels furent les étapes de son cursus professoral. Jusqu'à la révélation dans les années 70, à Niort, puis au lycée Voltaire d'Orléans avec des classes d'action commerciale : « j'ai tout de suite été confronté aux termes anglais, merchandising, marketing, mailing... », raconte ce citoyen de Saint-Cyr-en-Val qui crée en 1984 l'APFA, « Actions pour le français des affaires ». « Ces termes me posaient un problème pédagogique ». Ne restait plus à l'imagination francophone qu'à prendre le pouvoir : depuis, ce sont 642 termes qui ont été inventés (230 sont dans les tuyaux et 137 en préparation). En 1973, à l'instigation de Georges Pompidou avec la commission de terminologie (relancée par Mitterrand en 82), le français avait tiré une première rafale contre Messieurs les mots anglais. Garden center devenait jardinerie, royalties redevance, stock option, option sur titres, hot money, capitaux fébriles... En dernier ressort, c'est l'Académie qui avalise l'usage. En traînant parfois du bicorne. Songez que extemalisation (pour outsourcing) n'a toujours pas été validé ! Après les Mots d'Or (20.000 participants de toute la planète) et les dépliants « 1.000 mots d'or des affaires » avec correspondances français-anglais, Jean-Marcel Lauginie a lancé une édition en 27 langues, du chinois à l'arabe, du thaï au tamoul. En septembre 2005 entrera en vigueur un bac mercatique. « La mariée est trop belle », dit ce trop modeste « attaquant de la langue française ».
Christian Bidault.
Jean-Marcel Lauginie vient de créer un Mot d'Or des affaires en langues transfrontalières et d'Afrique, occitan, swahili, créole, flamand.
(La République du Centre, édition du Loiret, du 24 février 2005)
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