DITES-LE EN FRANÇAIS
Comme l’an dernier, grâce à la collaboration de l’association APFA (Actions pour promouvoir le français des affaires), La Montagne s’associe à la promotion du français pendant la semaine de la langue française, du 10 au 20 mars. Chaque jour, nous présenterons un ou plusieurs mots français susceptibles de remplacer avantageusement des mots anglais abusivement employés.
VOUS AVEZ DIT « PHONING » ?
DITES DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE.
L’anglais est une langue qu’on dit très « contextuelle », c’est-à-dire qu’un mot de cette langue ne prend souvent tout son sens que grâce aux mots qui l’accompagnent et au contexte dans lequel il est utilisé. Le français est moins « contextuel » et les francophones apprécient les mots précis dont la signification et les connotations peuvent être appréhendées en bonne partie sans recourir au contexte. Si on ne leur propose pas à temps des mots français nouveaux et précis, ou s’ils les ignorent, Ils sont donc enclins à emprunter à l’anglais les mots dont ils croient avoir besoin et à leur attribuer le seul sens qu’ils avaient dans le contexte où ils les ont trouvés.
C’est ainsi que les commerciaux français appellent souvent « phoning » (action de téléphoner) le démarchage téléphonique et « mailing » (envoi de courrier) le publipostage, restreignant ainsi le sens de ces mots au seul domaine commercial et publicitaire.
De manière analogue, les informaticiens français désignent souvent leurs ordinateurs par le mot « hard », qui veut dire « dur » (c’est en fait l’abréviation du mot « hardware », qui signifie « quincaillerie » et est utilisé par les militaires et les informaticiens pour nommer leurs matériels), et leurs logiciels par le mot « soft », qui veut dire « mou » (c’est l’abréviation de « software », mot fabriqué par analogie avec « hardware »). Il ne leur viendrait pas l’idée d’utiliser en français les mots « dur » et « mou » pour ces usages. Ils trouveraient même cela ridicule.
(La Montagne, 14 mars 2007)
VOUS AVEZ DIT « PACKAGE » ?
VOUS POUVEZ LE DIRE EN FRANÇAIS, CE SERA PLUS PRÉCIS.
Le mot « package » (paquet) illustre parfaitement le cas très courant (présenté hier) d’un mot anglais sorti de son contexte d’origine en lui conservant la signification et les connotations qui le caractérisaient dans ce contexte. Ce dernier pouvant varier fortement, on constate des emplois très divers du même mot suivant les domaines.
La recherche, dans chacun des jargons professionnels, d’un mot précis et riche de connotations donne un curieux résultat au niveau de l’ensemble : le franglais apparaît aussi « contextuel » que l’anglais ! Ces recours au mot anglais « package » sont d’autant plus regrettables qu’il existe dans chaque cas un excellent terme français dépourvu de toute ambiguïté :
Dans le domaine de l’audiovisuel, c’est un achat groupé, achat d’un ensemble de programmes à un même vendeur. Dans celui du tourisme, c’est un voyage à forfait ou un forfait, ensemble de prestations de services (transport, hébergement, restauration, visites, excursion, distractions, etc.) proposées à un prix fixe par un organisateur de voyages ou de séjours. Dans celui de l’informatique, c’est un progiciel, ensemble complet de programmes et de documents conçus pour être fournis à plusieurs utilisateurs en vue d’une même application (la comptabilité par exemple). Dans celui de la commercialisation, c’est un emballage, un conditionnement destiné à assurer la protection, la conservation, le transport et la mise en valeur d’un produit.
(La Montagne, 15 mars 2007)
VOUS AVEZ DIT « HUB » ?
VOUS POUVEZ LE DIRE EN FRANÇAIS, CE SERA PLUS PRÉCIS.
Comme le mot « package » (voir notre billet précédent), le mot « hub » (moyeu d’une roue) est utilisé dans chaque domaine avec une acception particulière (celle résultant du contexte dans lequel il a été rencontré en anglais), ce qui contrarie évidemment la précision recherchée par les différents spécialistes. Il existe heureusement en français des termes plus précis et plus parlants que ce « hub » polysémique :
Dans le domaine du commerce, c’est une plate-forme de répartition ou un entrepôt d’éclatement. Pour l’industrie pétrolière, c’est un pôle, concentration de raffineries ou d’usines pétrochimiques dans une zone géographique donnée. Pour les télécommunications et l’internet, c’est un concentrateur, dispositif informatique placé au nœud d’un réseau en étoile pour concentrer et distribuer les communications. Dans le domaine général des transports, c’est un pôle d’échange, un pôle, une plaque tournante ou un pivot, point d’embarquement ou de débarquement de voyageurs ou de marchandises assurant de multiples correspondances entre diverses compagnies, différents réseaux ou différents modes de transport.
Mais les transports spécialisés possèdent leurs propres termes. Le transport aérien retient l’expression plate-forme de correspondance, aéroport servant de point de concentration ou de rayonnement de voyageurs ou de marchandises, regroupant l'activité d'une ou de plusieurs compagnies de transport. Le transport ferroviaire préfère le point nodal, site où sont centralisées des opérations de triage de trains de marchandises. Pour le transport du gaz naturel, on a choisi le nœud, lieu d'interconnexion de plusieurs réseaux destiné à optimiser les échanges gaziers.
(La Montagne, 16 mars 2007)
VOUS AVEZ DIT « PHISHING » ?
DITES PLUTÔT HAMEÇONNAGE.
Les anglophones affectionnent les mots-valises, mots composés de morceaux non signifiants de deux ou plusieurs mots. Ils ont ainsi créé les mots « phreaking » (contraction de phone et freaking out) pour désigner le piratage téléphonique, « phishing » (contraction de phreaking et fishing) pour désigner le hameçonnage, et « pharming » (contraction de phreaking et farming) pour désigner le détournement d’adresse.
Le hameçonnage, appelé aussi filoutage ou usurpation d’interface, est une méthode de piratage sur Internet visant à obtenir des informations confidentielles (noms d’utilisateur et mots de passe pour l’accès à un site bancaire, numéros de cartes de crédit et codes de sécurité, etc.) au moyen de messages et de sites usurpant l’identité d’institutions financières ou d’entreprises commerciales. Il s’agit d’une pêche aux données personnelles dans l’océan d’Internet (des millions de messages sont envoyés, dont quelques-uns seulement réussiront à piéger des internautes particulièrement imprudents), ce qui justifie le terme hameçonnage.
Le détournement d’adresse est une variante encore plus sournoise de fraude consistant à contraindre des ordinateurs mal protégés ou un des serveurs chargés de traduire les noms de sites en adresses numériques à rediriger les internautes, à leur insu, vers un autre site que celui dont ils ont affiché l’adresse. Ce site imite presque parfaitement le site demandé par l’internaute et celui-ci se trouve mis en confiance.
(La Montagne, 17 mars 2007)
VOUS AVEZ DIT « HOT MONEY » ?
DITES PLUTÔT CAPITAUX FLOTTANTS.
Ces capitaux spéculatifs passant d'une place à une autre suivant la variation des taux d'intérêt et l'appréciation des risques de change, uniquement en quête de placements permettant la meilleure rentabilité à court terme quels que soient la place financière, la monnaie et le placement, portent en français le nom de capitaux flottants.
En période de crise, ces capitaux spéculatifs sont atteints de bougeotte car leurs détenteurs sont pris de panique. On les appelle alors des capitaux fébriles.
Notons que le terme « hot money » est aussi employé familièrement en anglais pour désigner de l'argent obtenu de manière illicite, volé ou provenant d'une activité condamnée par la loi (argent sale).
VOUS AVEZ DIT « CASH » ?
DITES PLUTÔT AU COMPTANT OU EN ESPÈCES.
Ce sera plus précis car le mot anglais a les deux sens.
Le mot comptant est à la fois un adjectif (paiement comptant), un nom (au comptant) et un adverbe (payer comptant). Il désigne un paiement immédiat, quel que soit le moyen de paiement utilisé (espèces, chèque, virement bancaire, etc.), dès lors que ce moyen de paiement ne prévoit pas de délai.
Le mot espèces désigne le numéraire, c’est-à-dire la monnaie ayant cours légal. Un paiement en espèces est un paiement en monnaie fiduciaire (billets de banque) et divisionnaire (pièces).
(La Montagne, 18 mars 2007)
VOUS AVEZ DIT « CLASS ACTION » ?
DITES PLUTÔT ACTION DE GROUPE.
C’est une voie judiciaire ouverte dans certains pays par la procédure civile, permettant à un ou plusieurs requérants d'exercer une action en justice pour le compte d'une catégorie de personnes sans en avoir nécessairement reçu le mandat au préalable. Des groupes ou des associations de consommateurs peuvent par exemple d’intenter des actions collectives contre des pratiques abusives observées sur certains marchés. Et il est possible de rassembler en une plainte unique celles de plusieurs consommateurs ayant subi le même préjudice du fait d'un même professionnel (industriel, constructeur, prestataire de service...). Cette pratique judiciaire devrait être introduite en droit français.
L'expression « recours collectif » n’est pas souhaitable car le terme recours désigne dans la langue juridique une demande d'annulation ou de modification d'un acte administratif ou d'une décision d’une juridiction administrative.
VOUS AVEZ DIT « POD CASTING » ?
DITES PLUTÔT DIFFUSION POUR BALADEUR OU BALADODIFFUSION.
Il s’agit d’un mode de diffusion sur l’internet de fichiers audio ou vidéo qui sont téléchargés à l’aide de logiciels spécifiques afin d’être transférés et lus sur un baladeur numérique. Les contenus multimédias sont généralement offerts en baladodiffusion dans les sites d’information (émissions de radio par exemple) et les blocs-notes (billets audio ou vidéo).
Le mot-valise baladodiffusion, création québécoise, est issu de la contraction de baladeur et de radiodiffusion. Il a l’avantage de pouvoir donner naissance à toute une famille de termes : baladodiffuser (« to podcast » en anglais, « podcaster » en franglais), baladodiffusable (« podcastable »), baladodiffuseur (« podcaster »).
Le fichier baladodiffusé (« podcast ») peut être appelé tout simplement un balado. Ce mot peut également être utilisé comme un adjectif : fichier balado (fichiers balados au pluriel), émission balado, billet balado, etc. Remarquons que le mot anglais « podcast » est lui-même un mot-valise formé à partir des syllabes finales des mots « IPod » (nom commercial d’un baladeur numérique à disque dur de la société Apple) et « broadcast » (émission de radio ou de télévision).
(La Montagne, 19 mars 2007)Sommaire des articles de presse de 2007
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