FRANÇAIS DES AFFAIRES
Placée sous le double patronage du Secrétaire dÉtat à la Francophonie et du Commissaire Général de la langue française, a eu lieu, le mercredi 28 octobre 1987, la première journée du français des affaires qui a rassemblé plus de quatre-vingts participants.
Première, cette journée le fut à plusieurs titres (au moins trois), au-delà bien entendu de la simple chronologie. Rarement, en effet, avait-on jamais vu pour une réunion de ce genre un aréopage aussi fourni autour de lordonnateur des débats, M. Jean Marcel Lauginie, Président de IA.P.F.A. (Association pour la promotion du français des affaires) : M. Jean-Paul Bolufer, Directeur de Cabinet, Secrétariat dÉtat chargé de la Francophonie, M. Bernard Billaud, Commissaire Général de la langue française, M. Stélio Farandjis, Secrétaire Général du Haut Conseil de la Francophonie, M. Jacques Campet, Conseiller Maître à la Cour des Comptes, M. Jacques Cartier, Relations Internationales à la C.C.l.P. (Chambre de Commerce et dindustrie de Paris), M. Loïc Depecker, Conseiller Technique au Commissariat Général de la langue française, M. Fayek Abillama, Ancien Doyen de la Faculté de Gestion et de Management de lUniversité de Beyrouth, M. Claude Marsan, inventeur-promoteur du clavier ergonomique "Marsan".
Ensuite, fait qui mérite dêtre souligné, le nombre des enseignants en exercice présents dans la salle était particulièrement important. Enfin, cette première journée du Français des Affaires était aussi la première manifestation denvergure de IA.P.F.A. (Association pour promouvoir le français des affaires).
LANGUE ET ÉCONOMIE :
"Management, mercatique, francophonie", tel était le thème général de la première journée. Alors que, pendant de nombreuses années, les liens qui pouvaient (ou devaient) exister entre enseignement/diffusion de la langue française et retombées économiques nétaient que pudiquement suggérés, cette fois les choses étaient claires. Et la formule employée pour préciser le sens du thème général ne laissait planer aucun doute : pour être efficace, une action commerciale doit être dabord porteuse denthousiasme et de rigueur dans sa langue. Bien entendu le cur du problème est de savoir : quelle langue ? M. Bolufer estime quil est fondamental de "ne pas succomber à la tentation de croire quun mauvais anglais vaut mieux quun bon français". Sans doute faut-il voir là un souci dexigence qui, pour les praticiens, prend lallure dun défi quils auront à cur de relever en montrant que le français nest pas une langue de conservatoire, mais un produit dexpansion.
M. Billaud pour sa part sest ensuite concentré sur ce qui allait être le sujet principal de cette journée, laction terminologique. Il est indispensable de créer les termes qui recouvrent les réalités nouvelles dans tous les domaines (par exemple : la télédétection aérospatiale). À charge pour les enseignants dintroduire ces termes dans le cursus de formation de la manière la plus adéquate.
Bien entendu, pour parvenir à de saines créations en matière de terminologie, un certain degré de concertation entre partenaires francophones (il y en avait plusieurs dans la salle : de Belgique, du Canada et de diverses institutions françaises) semble indispensable. Cest ce que M. Depecker a appelé le "consensus aménagé", une chaîne interactive incluant usagers, administrations, spécialistes et entreprises donnant vie et assurant la circulation des néologismes. En ce qui concerne les mécanismes dadoption des termes nouveaux, M. Campet nous a, avec force détails, décrit le cheminement de ces créations :
- commissions de terminologie (il y en a une dans chaque Ministère) qui étudient chacune la création de 100 à 150 mots nouveaux par an,
- présentation des propositions de néologismes à la presse spécialisée, pour avis,
- intervention du Commissariat Général de la langue française afin de replacer les propositions de néologismes dans un contexte francophone plus vaste,
- contribution de lAcadémie française,
- publication au Journal officiel,
- enfin et toujours en partant de lexemple de la commission de terminologie du Ministère de I'Économie et des Finances, publication de "Notes bleues" explicatives.
DÉJÀ DES RÉSULTATS :
Les résultats sont déjà sensibles et pour en attester, une Coupe du français des affaires sera désormais régulièrement décernée par IA.P.F.A. aux revues économiques intégrant à bon escient les nouveaux néologismes. Il semble que l'Expansion soit bien placée en l987 pour son emploi de "manageur" dès le 4 juillet 1985.
Les actions de formation décrites par M. Cartier (C.C.I.P.) devraient elles aussi largement contribuer à faire progressivement évoluer la langue des affaires vers plus defficacité lorsquelle est française, le français des affaires étant lune des composantes forces de la francophonie.
Pour en revenir aux résultats concrets du travail déjà réalisé en matière de terminologie, il faut mentionner la réalisation par IA.P.F.A., après enquêtes approfondies, du glossaire de "700 mots daujourdhui pour les affaires". Cest M. Lauginie qui a assuré lui-même la présentation de cet outil de travail très pratique sous forme de dépliant publié par les éditions Foucher et dont une réimpression est déjà envisagée.
Au cours des débats qui ont suivi, une intervention a été remarquée, celle de M. Farandjis qui a annoncé la tenue à Paris, en janvier prochain, dun colloque sur le thème suivant : "Vers un espace francophone". Puis reprenant les termes de M. Senghor, M. Farandjis a exhorté lauditoire à ne pas confondre civilisation de luniversel et civilisation de luniforme. Il existe en effet un grave danger à concéder à un pays (une grande puissance) le privilège de représenter les autres et surtout de parler pour les autres. De plus, rigueur de la langue et qualité de réalisations sont trop intimement liées (y compris dans le monde des affaires) pour que le français nait pas la légitime ambition de reprendre cette rigueur à son compte. Condillac ne disait-il pas "quune science cest dabord une langue bien faite".
Bertrand Calmy (Le Français dans le Monde - janvier 1988)Sommaire des articles de presse de 1988
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