Le rôle de la Commission de terminologie économique et financière
Pourquoi la Commission de terminologie économique et financière lutte-t-elle contre les anglicismes?
Se contente-t-elle de trouver des équivalents français ?
Ne mène-t-elle pas un combat d'arrière-garde ?Jacques Campet (1) répond ici aux questions des Notes Bleues de Bercy.
FAVORISER L'UTILISATION d'un langage économique et financier compréhensible par le plus grand nombre : tel est l'objectif poursuivi par notre commission. Les spécialistes ont, en effet, une fâcheuse tendance à s'exprimer dans un jargon pour initiés d'autant plus obscur qu'il fait la part belle aux anglicismes. Certains objecteront que la langue française s'est toujours enrichie de mots empruntés à d'autres langues. Le rôle de la commission que je préside n'est pas de lutter contre ce léger métissage mais d'éviter une trop forte altération du français. Car nous sommes aujourd'hui soumis à la très forte pression de la langue dominante : l'anglais, ou plutôt l'américain.
On ne peut nier qu'en matière économique et financière les États-Unis soient à l'origine de très nombreux concepts. Le problème est que, dans notre pays, les professionnels se contentent le plus souvent d'adopter les termes inventés outre-Atlantique, sans essayer de les traduire. Les causes en sont simples : la facilité, un certain goût pour l'ésotérisme et même le snobisme. Comment expliquer autrement l'utilisation d'un mot comme rating, lorsqu'il s'agit de donner une note à une banque ! Il n'a pas été difficile pour notre commission de trouver son équivalent français : notation (arrêté du 18 février 1987). Un terme qui a l'avantage d'être immédiatement compris de tous…
LE TRAVAIL DE LA COMMISSION est avant tout un travail de clarification. C'est pourquoi nous ne nous contentons pas de trouver des équivalents français aux anglicismes. Nous nous efforçons aussi de définir précisément chaque terme, de manière que tout le monde sache exactement de quoi l'on parle : les professionnels, les juristes, les consommateurs, etc.
Ce souci de la précision nous amène parfois à donner plusieurs mots pour remplacer un anglicisme, car il y a souvent sous un terme anglais plusieurs acceptions. Par exemple, dans l'arrêté qui vient d'être publié au Journal officiel, on trouve trois termes pour reporting : déclaration des ordres (banque), mercatique après-vent ou MAV (technique commerciale) et reddition des comptes (comptabilité).
D'ailleurs, nous n'attendons pas la langue anglaise pour forger de nouveaux concepts : le dernier arrêté officialise l'emploi de mots bien formés comme "télévente", "télévendeur" ou "télédémarchage".
NOUS NE VOULONS PAS être considérés comme de simples défenseurs du français ! Nous ne sommes pas là pour faire la police, mais pour aider la langue à se développer dans le domaine économique et financier.
Ma foi dans le combat que nous menons n'a cessé de croître, et je constate un vif regain d'intérêt pour les travaux de notre commission. Les mots rendus officiels par arrêtés sont de plus en plus repris par la presse, et ils s'installent tranquillement dans le langage courant : la marge d'autofinancement a éliminé le cash-flow, le post-marché se substitue au back-office, le parrainage au sponsoring, et la coentreprise au joint venture…J.C.
(1) Jacques CAMPET préside la Commission de terminologie du Ministère de l'économie et des finances et du Ministère du budget. Nommé Conseiller Maître à la Cour des Comptes en 1987, il est entré au Ministère des finances en 1951. Il a été notamment Directeur général des douanes et des droits indirects (1979-1984), Directeur des monnaies et médailles (1984-1987) et a présidé le Conseil de surveillance de la Caisse de développement de 1984 à 1993. Il est également membre du Comité pour l'histoire économique et financière de la France.
(Les Notes Bleues de Bercy du 16 au 31 mars 1993)
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