Le français des affaires

La jeune pousse et le faiseur d’or

Bon gré mal gré, la langue française s’adapte à l’univers instable des affaires. Avec plus ou moins de bonheur, une association s’efforce de glaner des équivalents aux termes anglo-saxons.

La savoureuse expression "jeune pousse" pour signifier "start up", c’est-à-dire une entreprise en création. L’assemblage "fils de ses œuvres", un rien pompeux, pour remplacer "self made man"...

L’avenir dira si ces adaptations françaises de mots anglo-saxons s’enracinent dans le vocabulaire francophone contemporain. L’association Actions pour promouvoir le français des affaires (APFA) y croit en tout cas assez fermement pour proposer une nouvelle mise à jour (pour cette fois, on évitera "aggiornamento"). À l’écoute des mille et un échos de la francophonie, I’APFA a déniché le "fils de ses œuvres" dans l’île de La Réunion.

Réfléchir à l’évolution de la langue

Dans la nouvelle liste de 1000 mots ou locutions réunis par l’APFA, on trouve également la délicieuse expression "faiseur d’or", à substituer toutes affaires cessantes à "golden boy", et quelques autres pépites. On ne dira donc plus : "Ce golden boy mulhousien a placé tous ses gains dans une start up créée par un self made man et spécialisée dans les magnets à l’intention des lobbyistes"

On préférera: "Ce faiseur d’or mulhousien a placé tous ses gains dans une jeune pousse créée par un fils de ses œuvres et spécialisée dans les aimantins à l’intention des influenceurs".

Gagne-t-on en clarté? Peut-être pas dans un exemple aussi absurde. Cependant, force est de constater qu’un tel exercice amène chacun de nous, et pas seulement les amoureux du verbe, à réfléchir à l’évolution et au sens de notre langue.

Plusieurs phénomènes concourent à placer l’expression française dans une position trop souvent défensive face aux usages contemporains. L’élargissement des marchés financiers, la dynamique de la croissance américaine, l’accélération des échanges mondiaux et le raz de marée des nouvelles technologies de l’information nous poussent, du point de vue linguistique et culturel, à nous rallier à l’idiome le plus dynamique et le mieux parta­gé.

La langue anglaise se prête évidemment avec une plasticité parfaite à ces usages. Parfois au désarroi des anglo-saxons eux-mêmes qui voient le vocabulaire leur échapper. C’est le sort des langues vivantes, peu soucieuses de normes.

Un utile glossaire

Aux 1 000 mots d’affaires rassemblés dans sa dernière édition, la huitième, l’APFA a adjoint un utile glossaire de quarante mots-clés en vingt-six langues, toujours dans le domaine des affaires. On découvre ainsi que les mots bien français "télé-achat" et "remue-méninges" (teleshopping et brain storming, si vous y tenez vraiment) n’ont pas d’équivalent en allemand ni en danois mais en possèdent en bulgare, en chinois ou en hindi.

Et l’on se rend compte que les francophones ont bien raison de ne pas douter des capacités de la langue qu’ils ont en partage. À condition de lui laisser un peu la bride sur le cou pour vivre sa vie de grande langue internationale au XXI’ siècle.

C’est d’ailleurs l’objectif de Jean Marcel Lauginie, le président de I’APFA qui entend "butiner le monde pour offrir le mot juste à tout moment, en tous lieux pour communiquer aisément et faire de... meilleures affaires". Aux yeux de M. Lauginie, le travail sur les mots des affaires ne relève nullement d’un combat d’arrière-garde en faveur d’un français immuable et pétrifié. Il s’agit, bien au contraire, d’un effort de définition, pour soi-même et dans le respect des cultures différentes.
A.L.

1000 mots d’or des affaires, Mots-clés des affaires en 26 langues, deux dépliants créés par l’APFA, éditions Foucher (19F/3€ chacun). Tél. 02 38 76 24 05.

Henri Rodier avec cinq lauréats

Dans la nouvelle liste de 1 000 mots ou locutions réunis par I’APFA, on trouve la délicieuse expression "faiseur d’or", à substituer toutes affaires cessantes à "golden boy", et quelques autres pépites.

(Les Dernières Nouvelles d'Alsace, 7 février 2000)

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