Exposé de Mme Marie-Claire Gousseau
Association pour la promotion de la langue française dans le monde du travail (IPTR)
J’avoue que ça nous fait très plaisir de parler de notre enquête devant Mme le Délégué général de la Langue française puisque c'est grâce à la Délégation que ce projet a pu être mis en chantier, alors qu’il était une très vieille intention de notre part.
Lorsqu'on évoquait tout à l'heure nos travaux en commun avec l'Université de Montréal, quand nous avons découvert certains procédés, je dirai d'ordre pédagogique pour redonner le goût de la langue aux adultes, spécialement les adultes en milieu professionnel, nous avions découvert qu'ils avaient procédé à des enquêtes très poussées et très prolongées pour essayer de savoir quels étaient les points de langue qui posent problème à l'adulte. Nous avions également participé à ce genre d’opération en Afrique francophone ; nous avions fait de modestes enquêtes avec nos petits moyens d’association pendant une dizaine d’années, jusqu'à ce que grâce à la Délégation générale à la langue française, nous avons pu donc lancer une enquête digne de ce nom.
Cette enquête, appelée Elfe 2000, enquête sur la langue française écrite à la veille de l'an 2000, a voulu prendre une cible très particulière et un petit peu originale, nous l'espérons du moins, nous avons interrogé, presque par moitié, des étudiants et des professionnels. Et nous les avons choisis de même niveau de formation, les étudiants étant à Bac + 2 ou 3 généralement, et nous avons demandé aux entreprises de nous permettre de diffuser les questionnaires à travers le personnel ayant le même niveau de formation. Ce qui nous permettra de voir, puisque nous ne sommes pas encore dans la phase d’interprétation des travaux, s'il y a une évolution justement au bout de quelques années de pratique de la langue, ou si on a à peu près un phénomène de régularité, d’assimilation constante. Lorsqu’il s'est agi de savoir sur quoi nous allions porter nos efforts, nous avons bénéficié de la banque de données de l’Université de Montréal, qui avait fait une très longue recherche à partir de publications, de copies d’étudiants, de courriers du Québec et de France.
Pendant environ dix ans, nous avions mené notre propre enquête ; nous avions collecté des formes grâce à énormément de bonnes volontés qui s'étaient manifestées de tous côtés. Et on en a sélectionné 800 sur environ 2000 formes qui semblent être des difficultés du Français de France qui écrit.
Pourquoi avons-nous fait une sélection ? Il n’était pas possible d’interroger, sur un corpus aussi important, d’une part, et par ailleurs nous voudrions savoir si ce qui passe dans les livres pour une difficulté, est réellement une difficulté du praticien de la langue, celui qui la pratique tous les jours. Nous pensons que là il y aura peut-être des informations intéressantes. Donc ces choix ont été faits sur dix grands thèmes tout à fait classiques, depuis les problèmes de lexique aux problèmes tout à fait spécifiques d’orthographe, de grammaire, et surtout de syntaxe. Nous avons voulu surtout être sûrs d'avoir des répondants qui soient de langue française d'origine, maternelle, donc qui avaient été scolarisés en français, afin de ne pas mélanger les problèmes propres au français langue étrangère, même s'il est devenu la langue seconde de celui qui travaille en entreprise maintenant. Donc un projet franco-français. Les résultats, je pense que nous arriverons à les analyser dans le courant de l'année qui vient.
En vous énumérant les thèmes, j'ai terminé par les problèmes de syntaxe, et là vous me permettrez d’ajouter une constatation qui vient de mon expérience de formateur et de conseil dans tous les domaines d’expression et de communication écrite en entreprise, on parle très souvent des difficultés, on parle du contact du français avec les langues étrangères en pensant au lexique, en pensant aux mots, et nous, nous constatons à l’heure actuelle, dans la pratique de nos compatriotes dans leur vie quotidienne professionnelle, qu'il y a un danger très grave qui menace la syntaxe française.
Quelle en est l'origine ? Les uns disent que c'est la contamination avec l'anglais, ce n'est peut-être pas si sûr mais c'est peut-être aussi possible ; nous nous rendons compte que dans les actions de formation autant, dès qu'on donne confiance aux personnes dans la langue, elles veulent écrire, mais que les problèmes de syntaxe viennent extrêmement rapidement, et que c'est peut-être là une piste de recherche et d'approfondissement qui n’a peut-être pas encore été très pratiquée jusqu’ici. On ne les résoudra qu'avec une réflexion préalable et le contact avec le terrain.
Enfin il est certain que ce public auquel nous nous adressons, ce public de Français, pour beaucoup d’entre eux, on parlait tout à l'heure de les décomplexer, ça va peut-être même plus loin, il s'agit de leur donner confiance dans la langue. Et à partir de ce moment-là, lorsqu’on est arrivé à leur donner confiance dans la langue française, en langue quotidienne de travail qui est le support de la communication par lequel passera toute la mémoire de ce qu'ils font, aussi bien dans l'entreprise que dans leurs actions personnelles, à ce moment-là je dirai que tout le reste vient, dès que cette confiance est rétablie, je dirai même que l'attitude à l'égard de l'anglais change, à l’égard de l'anglo-américain, qui au début leur en impose comme cela a été dit ici à cette table, nous le savons tous.
Eh bien, ce problème-là s’estompe. Il y a essentiellement un grand problème que nous vivons nous dans l'entreprise, c'est de redonner confiance aux Français dans leur langue.Retour au sommaire des actes des 6ème et 7ème journées
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