Allocution prononcée par M. Alain ROSSIGNOL,
Délégué général de l'APFA pour l'Afrique et l'Océan Indien,
à Abidjan le 8 octobre 1993
Mesdames, Messieurs, chers amis du Mot d’Or,
Le Mot d’or... Le 17 mars dernier, journée mondiale de la Francophonie, vous avez été 1217 en Côte d’Ivoire à vous mettre en quête de ce Mot d’Or, plus exactement des mots d’Or, ceux qui devaient exprimer le mieux, dans notre langue, des concepts qu’ainsi ils éclairaient.
Voici maintenant plusieurs années que vous œuvrez au progrès de notre patrimoine commun, la langue française, dans ses applications technologiques.
Le français des affaires, c’est l’outil quotidien de millions d’individus dans le monde, c’est une culture partagée, enrichissante, nourricière, qui permet d’harmoniser les échanges dans un espace économique toujours plus vaste. Sans une langue fonctionnelle, précise, juste, sans ces mots recouvrant exactement les définitions conceptuelles, il n’est pas de relations commerciales fiables.
Si le métissage de la langue constitue un enrichissement incontestable, les emprunts aux autres langues peuvent être faits en déviation du sens originel. Il n’est pas difficile d’imaginer les tracasseries que pourraient entraîner de telles confusions dans le cadre d’échanges commerciaux internationaux.
C’est la raison pour laquelle de nombreuses instances sont attentives à l’évolution naturelle de notre langue. Certes, il convient de la laisser vivre, mais tout en la guidant. Les commissions de terminologie ont été créées dans cette perspective.
Dans le secteur tertiaire, c’est la Commission de terminologie économique et financière qui s’efforce de nous permettre d’utiliser un langage économique et financier compréhensible par le plus grand nombre, en banissant jargon obscur et anglicismes perfides.
Comme l’a souligné Jacques Campet qui en est le président, cette commission a pour mission de clarifier le vocabulaire économique et financier. Elle ne se contente pas de trouver des équivalents français aux anglicismes. Elle tente de définir précisément chaque terme, afin que tout le monde sache exactement de quoi l’on parle : les professionnels, les juristes, les consommateurs. La commission s’efforce également d’adapter la terminologie francophone aux exigences du monde moderne en francisant les mots : "manager" en "manageur", "container" en "conteneur", etc.
Mais la plus séduisante des activités des commissions de terminologie me paraît être celle qui consiste à créer les mots, à faire de chacun des membres, pour reprendre l’heureuse formule d’Édouard Maunick, un "orpailleur" de la langue française. Le très beau "logiciel" a fait ses preuves. La "mercatique" frappe encore à la porte des usagers du "marketing". Mais le "publipostage" et le "crédit-bail" n’ont plus de difficulté pour s’imposer devant le "mailing" et le "leasing".
Si ces exemples sont tous dérivés de l’anglais (et il faut bien admettre que le franglais a pris dans le parler quotidien une importance inquiétante), cela ne signifie pas pour autant que l’action d’une commission de terminologie est exclusivement condamnée à la traduction. Une récente décision de la Commission française de terminologie pour l’enrichissement du vocabulaire économique et financier a proposé un équivalent à l’expression : "logiciel de traitement de textes". C’est "TEXTEUR". À la lumière de cet exemple, on perçoit les règles que peut suivre une instance terminologique : créer des mots simples à prononcer, évocateurs, courts si possible, et s’inscrivant aisément dans une famille de mots. Ici, texteur a pour homologues "tableur" et "grapheur".
Mais si l’on parle de réglementer, c’est pour guider, non pour contraindre. La langue est vivante : elle se pliera difficilement aux rigueurs de la loi. "Nous ne sommes pas là pour faire la police", s’exclame encore Jacques Campet, "mais pour aider la langue à se développer dans le domaine économique et financier".
La langue, je l’ai déjà dit, c’est notre patrimoine commun. C’est vous, qui êtes aujourd’hui réunis dans cette salle, qui le défendrez et ferez le vocabulaire terminologique de demain. Et je sais que vous le ferez avec enthousiasme et avec rigueur.
Votre adhésion massive à cette manifestation en est le témoignage. L’intérêt a gagné les organisations et entreprises présentes en Côte d’Ivoire : elles nous ont apporté un soutien efficace. La grande majorité des établissements de formation du secteur tertiaire a participé au Mot d’Or 1993 et nous a permis de rassembler plus de 1200 élèves et étudiants de Côte d’ivoire ! Et sans l’adhésion des entreprises, notre manifestation perdrait de son sens et de son éclat. Leur présence ici témoigne de la vitalité du partenariat que vous êtes nombreux à avoir su instaurer dans l’espace éducatif de ce pays et qui mérite d’être encore plus appuyé, encouragé et développé. Je sais l’intérêt que porte Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale à ce volet du système éducatif ivoirien, et je le remercie vivement d’avoir bien voulu nous apporter son soutien en acceptant de présider cette cérémonie. C’est un grand honneur pour l’association "Actions pour promouvoir le français des Affaires", organisation que je représente.
Monsieur le Chef de Mission, vous avez bien voulu répondre à la sollicitation de Monsieur l’Ambassadeur de France qui, empêché, n’a pu se joindre à nous et vous a demandé de le représenter. Au cours de toutes ces années, sans le soutien bienveillant de l’Ambassade, de la Mission française, et au-delà du Ministère de la Coopération, rien de ce qui est fait pour l’usage d’une langue française moderne, rigoureuse et efficace n’aurait pu voir le jour dans le cadre de ce "Mot d’Or". Je tenais à vous en remercier.
Octobre 1993 sera donc un grand mois pour la Francophonie :
- ce 8 octobre, nous fêtons les lauréats ivoiriens du français des Affaires ;
- du 16 au 18 octobre, les francophones du monde entier n’auront d’yeux et d’oreilles que pour la République de Maurice où se tiendra le 5ème sommet de la Francophonie
- enfin, le 21 octobre, tous les lauréats qui se seront classés en tête du palmarès de leur pays se retrouveront à Paris pour célébrer la journée du français des affaires.
Merci à tous de participer à cet élan, et faisons en sorte que notre communauté de langue soit aussi un espace d’échanges et de fraternité.Retour au sommaire des actes des 6ème et 7ème journées
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